allocution de M. Deparice
Forum
Rôle des communautés de foi dans la prévention de la radicalisation
Samedi 29 janvier 2015
À l’église Galilée
Allocution de M. Deparice
Herman Okomba-Deparice, directeur général du centre de prévention des la radicalsation menant à la violence
Politologue, Herman Deparice-Okomba, Ph. D., est un spécialiste reconnu en matière de relations interculturelles, de radicalisation, de terrorisme, de discrimination et de police communautaire. Avant sa nomination en 2015 au CPRMV, il a été responsable, pendant dix ans, des dossiers sociaux au Service de police de la Ville de Montréal (profilage racial et social, relations avec la communauté, prévention de la criminalité, etc.); au même moment, durant trois ans, il assumait la direction de la Fondation des employés du SPVM. Ajoutons finalement que M. Deparice‑Okomba est chargé de cours dans plusieurs universités, où les matières enseignées touchent le terrorisme et la gestion des situations d’urgence.
LA RADICALISATION MENANT À LA VIOLENCE : DE QUOI PARLE-T-ON ?
Processus selon lequel des personnes adoptent un système de croyances extrêmes – volonté de d’utiliser, d’encourage ou de faciliter la violence – en vue de faire triompher une idéologie, un projet politique ou une cause comme moyen de transformation sociale
Lorsqu’on parle de radicalisation qui mène à la violence au Québec, il y a un lien à faire avec le rôle des communautés de foi, des hommes de foi. En effet, dans les cas de radicalisations que l’on a connu au Québec, déjà bien avant le 11 septembre, il y a eu des actes de terrorisme où des personnes ont utilisé à la fois la loi et les textes sacrés pour justifier la violence.
On sait également qu’aucune religion ne peut être un facteur de division, encore moins un facteur d’exclusion. Cependant, certaines personnes vont choisir d’utiliser la religion pour justifier la violence.
On parle de radicalisation violente, lorsqu’il y a fusion entre idéologie et violence, lorsqu’une personne encourage la violence à des fins politiques, sociologiques ou culturelles (p. ex. : utilisation de la violence par une personne qui croit qu’il y a incompatibilité entre démocratie et religion).
Quand on parle de radicalisation menant à la violence, on doit prendre en compte des facteurs à la fois sociologiques, psychiatriques et même théologiques. Depuis le 11 septembre, la question de la radicalisation tourne autour de la religion et, ceci, dans sa pluralité. Cependant, au Québec, 30 % de la criminalité violente est liée aux actes terroristes issus de l’extrême droite ou gauche, seulement 15 % est issue du terrorisme lié à la religion dont 10 % de l’islam et 5 % des autres religions. Cette radicalisation se justifie par la manipulation idéologique ou culturelle.
On associe radicalisation à religion lorsque la religion fait l’objet à la fois de manipulation, mais surtout lorsque la religion est à la source de discours radicaux d’exclusion.
La religion est au cœur du débat du terrorisme international, car il y a une instrumentalisation du texte sacré pour le justifier. La population la plus touchée par cette manipulation est la jeunesse. En effet les jeunes qui sont dans une quête de sens ou à la recherche de l’expression de soi, qui veulent s’engager ou qui cherchent de nouveaux défis trouvent dans l’approche des manipulateurs une alternative qu’ils n’ont pas dans leur environnement immédiat. Par exemple, les jeunes qui ont voulu s’envolés pour la Syrie ont exprimé avoir voulu le faire « pour faire de l’humanitaire ». Aussi, certains jeunes ont la perception, réelle ou perçue, d’être exclus de la société, du vivre-ensemble; les jeunes passent aussi par des périodes de vulnérabilité psychologique. Cette dernière situation ajoutée à la quête de sens, c’est le tiercé gagnant; c’est là qu’intervient le manipulateur. C’est lui qui, en manipulant les textes sacrés, aura aux yeux du jeune la bonne réponse et aura une emprise sectaire sur lui. Cette réponse s’appuie sur la manipulation des textes sacrés (p. ex. : à la question que se pose le jeune sur ce qu’est le djihad, la réponse va être que c’est d’aller en Syrie). À ce point de leurs démarches, les jeunes ne fréquentent plus les mosquées ou les lieux de culte. Internet devient l’outil de la manipulation.
L’INSTRUMENTALISATION DES TEXTES SACRÉS
La quête de sens
La question de l’interprétation des textes
Donc, la quête de sens associée à la question de l’interprétation des textes sacrés, vont être le terreau fertile à la radicalisation qui mène à la violence.
LA THÉOLOGIE COMME INSTRUMENT DE THÉRAPIE
La théologie comme antidote pour contrer la radicalisation violente
Encourager une lecture ouverte, progressive et tolérante de la religion
Les figures religieuses doivent être des modèles exemplaires
Il convient d’accompagner la personne ou la famille
Dans la pratique, lorsqu’on parle de radicalité liée à la religion, les hommes de foi font partie de la solution. La religion est un antidote à la question de la radicalité parce que les jeunes ont été instrumentalisés par une lecture erronée des textes sacrés. Pour les ramener dans le vivre ensemble, le Centre s’occupe de tout l’aspect psychosocial, mais ça prend des hommes de foi capables de faire une lecture éclairée des textes sacrés, une lecture ouverte, progressiste et tolérante de la religion. Aucune religion n’encourage la violence.
Aussi, pour prévenir le phénomène de la radicalité, les leaders religieux doivent aborder dans leurs prêches les débats autour de la religion et des enjeux internationaux. Si on n’aborde pas ces sujets dans les lieux de culte, les jeunes trouvent la réponse ailleurs, dans la rue, sur Internet et ça devient alors très difficile de les aider. Cependant les imams expriment que la communauté arabo-musulmane a été tellement stigmatisée qu’ils ont de la difficulté à parler de la question du djihad par exemple à la prière du vendredi par crainte d’être filmés, de voir leur discours repris hors-contexte et d’être accusés de faire de la radicalisation violente.
La religion doit répondre par un contre-discours légitime, articulé à l’interprétation erronée des textes sacrés qui ont mené la personne à la radicalisation violente. Ça prend le savoir-faire d’hommes de foi formés et réalistes, rigoureux dans la lecture et dans l’interprétation des textes sacrés, des figures religieuses qui sont aussi des modèles exemplaires. On ne s’improvise pas imam ou pasteur. La formation est importante car il incombe aux leaders religieux la responsabilité de diffuser la bonne nouvelle, nouvelle qui encourage le vivre ensemble en société ou en communauté et d’avoir un discours religieux ouvert, tolérant et inclusif.
Les hommes de foi doivent aussi avoir un discours qui s’adresse aux jeunes. On constate au Québec, parmi les 140 mosquées à Montréal que juste 30 imams ont suivi une formation, que parfois les prêches sont faits en arabe, langue que ne maîtrisent pas les jeunes.
L’accompagnement des familles est important. Lorsqu’on a des personnes radicalisées, l’exclusion ne mène à rien. En réaction au rejet de sa communauté, le jeune va se replier sur lui-même et continuer à fréquenter les personnes qui l’influencent. Le rôle de la communauté de foi est de recevoir, d’accompagner. Les hommes de foi jouent à la fois les rôles d’hommes de dieu et de travailleurs sociaux.
COMMENT LE CENTRE DE PRÉVENTION DE LA RADICALSIATION QUI MÈNE À LA VIOLENCE PEUT-IL VOUS AIDER ?
Par son module d’intervention psychosocial
Par son module de prévention et de développement des compétences
Lequel s’appuie sur le module de recherche
Les appels que reçoit le Centre sont traités de façon confidentielle; le Centre n’a pas de lien avec la police. Les familles qui appellent pour signaler des cas sont accompagnées par des psychologues, des travailleurs sociaux, des gens du milieu de la recherche
CONCLUSION
La radicalisation concerne souvent des personnes qui sont dans une logique de discrimination et qui se sentent mises à l’écart de la société.
La radicalisation se base beaucoup sur l’ignorance
Tant que la personne est prise en charge, on peut agir sur les causes qui la feraient un jour basculer
Donner une légitimité à l’action sociale pour prévenir la radicalisation. S’appuyer sur les acteurs terrain
Si on fait le bilan, les gens qui vont se radicaliser au Québec sont généralement dans une logique de discrimination et vont se sentir mis à l’écart. La radicalisation est beaucoup basée sur l’ignorance. Face à quelqu’un qui a un discours populiste avec des réponses toutes faites, la personne n’a pas le temps de faire appel à la raison. La prévention, c’est-à-dire la prise en charge rapide, à la fois par la communauté et par les parents, permet d’éviter de basculer vers la radicalisation qui mène à la violence.
On doit avoir une approche concertée, intégrée; chacun doit jouer son rôle, autant les hommes de foi que les pouvoirs publics et le milieu communautaire.
Si on veut prévenir les actes terroristes, la radicalisation violente, il faut donner la légitimité à l’action sociale, c’est-à-dire à nos travailleurs de rue, à nos enseignants, à tous les intervenants de premier niveau. Ce n’est pas un policier qui peut diagnostiquer en une heure d’entretien qu’une personne est radicalisée; c’est par les facteurs exposition. Les personnes qui peuvent le voir ce sont les parents, les enseignants, …, les pasteurs qui connaissent les jeunes. Ces jeunes vulnérables passent par une période de souffrance psychologique; ils ont besoin de repères; dans certains cas les repères c’est la foi et dans ces cas c’est le pasteur qui va pouvoir l’accompagner.
Dernier point : il faut éviter les amalgames, les préjugés : ce ne sont pas tous les musulmans qui sont des terroristes. Attention à la généralisation; elle amène à l’exclusion et nous sépare du vivre-ensemble. Chaque cas de radicalisation est unique
Ensemble mettons en place une stratégie de co-responsablité pour arrêter ce fléau.